Bien sûr que ça me fait hurler. La sédation profonde suffit.
Le respect de la volonté des personnes a des limites. Ne serait-ce qu'à partir du moment où on implique un tiers, pour commencer, et c'est le cas lorsqu'on parle de l'euthanasie ; ce tiers dont PERSONNE ne parle jamais, invisible, qu'on peut penser inexistant et qui, pourtant, est absolument nécessaire à l'acte.
La loi doit-elle à se plier à la volonté de chaque personne ? Non.
On n'est pas dans le cas de l'IVG où, de toute façon, une femme qui veut avorter se fera avorter, encourant de graves risques pour sa propre santé s'il n'y a pas d'environnement médical adéquat pour le faire : il y a un enjeu de santé publique, en plus des enjeux féministes fondamentaux d'appropriation, de disposition et de contrôle de son propre corps.
Là, quel que soit le choix, c'est la mort de la personne qui se trouve au bout du processus, donc l'arbitrage est radicalement différent. Le problème ne se situe donc pas au niveau du choix de la personne : elle mourra quoi qu'il arrive. Et au delà de la souffrance et de la détresse des personnes malades, qu'il faut évidemment entendre, et qui sont résolues par la sédation profonde, il y a d'autres enjeux, que j'ai déjà mentionné dans mon (vieux) billet sur le sujet.
L'euthanasie n'est pas qu'une question de choix personnel, c'est une question de société, qui implique la société, et qui associe chaque personne à chaque acte fait au nom de la société (la loi déterminant en grande partie ce point) : c'est le principe même de ce mode de vie. En centrant le débat uniquement sur les personnes malades et leur volonté (sentiment de légitimité renforcé par cette même société profondément individualiste) on oublie de prendre en compte le reste. Or c'est bien le reste qui détermine, précisément, la société que nous voulons : celle où la mort est acceptable ou voire même recommandée, ou une société où on se bat et investit pour que chaque personne puisse vivre correctement, de la meilleure façon possible, et si une des personnes a un problème, on cherche des solutions pour l'aider à vivre.
La loi Leonetti ne respecte pas "la volonté des malades" de manière absolue, oui, c'est vrai. Mais il n'y a pas que les malades qui ont voix au chapitre, et la loi Leonetti est un compromis entre la société qui se doit de donner les moyens, à mon sens, à tout le monde de vivre correctement quelles que soient ses conditions (et oui, il y a pour ainsi dire tout à faire en la matière), et les malades qui ressentent de grandes souffrances et détresses qu'on ne peut, en effet, humainement accepter.
Au contraire donc, c'est tout sauf hypocrite : on ne donne pas la mort, on aide une personne en souffrance, avec les moyens dont on dispose, parce que c'est le modèle de société qu'on entend défendre.
Personnellement, je ne veux pas d'une société où la mort est un moyen acceptable, qu'on puisse la choisir ou non ; la fin ne justifiant pas les moyens.