Percutant, oui.
Juste ? J'ai envie de répondre "lol". Parce que je suis un ouf malade.
"Mort pour rien", ça sous-entend que ce pour quoi ces personnes sont mortes n'est "rien". Or, ce pour quoi ils sont morts est, au contraire, toujours "tout" aujourd'hui : la nation.
La nation, ce n'est pas rien. C'est une grande source de maux, pour commencer. Et donc dire que ce n'est rien, c'est passer à côté de ça.
Mais surtout, ils sont morts pour défendre des valeurs, qu'ils considéraient comme pouvant être dignes d'être défendues. Bien évidemment, je rejoins Brassens : mourir pour des idées, d'accord, mais de mort lente. Mais là n'est pas la question.
Il existe bel et bien un "nous", et il existe bel et bien un "eux", conceptuellement. C'est parce qu'il y a un "nous" qu'on peut faire société. Toujours penser "ma culture, mes valeurs", c'est déjà nier que cette culture et ces valeurs proviennent d'un système qu'on n'a pas choisit, mais c'est aussi encore et toujours (c'est une constante chez ploum) individualiser les problèmes, au lieu de les porter au niveau de la société.
La guerre, c'est en général des pauvres qui se battent contre d'autres pauvres, et ça n'a pas bien grand intérêt, car ça ne remet pas en cause ceux qui décident des guerres, et qui sont les vrais dangers, certes. Mais comment donc se révolter, s'organiser, si on ne pense pas qu'il y a un "nous" (au hasard, le peuple opprimé et conscient de sa condition, la chair à canon) et un "eux" (les dominants, les oppresseurs, les profiteurs) ? C'est une contradiction fondamentale, mais c'est une chose habituelle chez lui.
Il dit qu'il faut apprendre l'Histoire. Ça c'est cool. Mais du coup, il ferait bien de prendre des cours au passage. La Première Guerre Mondiale est quelque chose d'inédit dans le paysage politique et social à l'époque. Oui, c'est une boucherie, mais une boucherie qu'on ne connaît pas, qui évolue vite, et qui impacte directement des centaines de millions de familles... partout dans le monde ou presque. Comment peut-on reprocher à des personnes, dont le niveau scolaire n'est d'ailleurs pas très élevé à l'époque, et le bagage politique quasi-inexistant, de ne pas avoir ce "sursaut massif" qui aurait été salvateur ? La première condition pour apprendre l'Histoire, c'est de ne pas la regarder avec nos yeux d'aujourd'hui. Comment avoir un sursaut massif en étant individualiste au possible ?
Les poilus ne se battaient pas par plaisir. Ils se battaient parce qu'ils voulaient vivre, quelle que soit la raison qui les motivaient. Dois-je rappeler le nombre de fusillés "pour l'exemple" ? Dois-je rappeler la main de fer dans lequel chacun de ces soldats était ? Dois-je rappeler que pour sortir d'un "carcan", il faut en avoir conscience et pouvoir imaginer des solutions pour en sortir ? Et lorsque tout un système te pousse à combattre, comment peux-tu t'en sortir sans penser qu'il y a un "nous" et un "eux" ? Par l'individualité ? Et bien si c'est l'individualité qui permet d'en sortir, passe devant et montre le chemin ploum, je te regarde. En ricanant, oui, mais c'est "ma culture, mes valeurs" alors chut.
Ils ne sont pas morts pour rien. Ils sont morts pour pouvoir nous permettre de proposer des alternatives entre mourir pour un drapeau et vivre pour des idées. Je ne glorifie pas leur mort, je ne dis pas que c'était inévitable, je ne dis pas que c'est un modèle à suivre, je ne prétends pas que ce soit quelque chose de bien. Je suis triste de savoir qu'ils sont morts pour une idée aussi bête et malsaine que la nation. Mais je n'ai pas le culot de prétendre leur être supérieur tout en profitant de ce qu'ils ont permis, directement ou non, par leur sang versé, et que ce sacrifice a été fait pour "rien".
Il n'y avait pas d'un côté le courage à déserter et de l'autre la bêtise à combattre. Il en faut, du courage, pour se lever face aux balles alors qu'on sait qu'on se bat pour quelque chose avec lequel on n'est pas forcément d'accord, qu'on risque à tout moment de perdre sa famille, ses amis. Il en faut, du courage, pour vaincre n'importe quelle peur.
Et il en faut, de la bêtise, pour dire qu'ils sont morts pour rien.