J'ai reçu un mail concernant ma "révélation" des activités des frangins Philippot (http://mypersonnaldata.eu/shaarli/?P7AdOQ ) qui dit qu'il me trouve "gonflé" de dire que Damien et Florian Philippot sont frères. Comme la personne n'a pas laissé de mail, je fais donc une réponse publique. Enfin de toute façon, j'en aurai fait une quand même, mais bref. Avant de parler de ça, j'aimerai faire le point sur ce que je pense, globalement, sur différents sujets ayant rapport à cette situation.
Si je ne crois pas à ce que disent les sondages, je crois à leur pouvoir d'injonction. Lorsqu'on dit "d'après un sondage, les français pensent majoritairement que les musulmans sont inadaptés à la République", que ce soit vrai ou pas, c'est dit, c'est débattu, c'est une information prise comme source de discussion. Or les sujets "d'actualité" forgent l'opinion : à la machine à café, sur les panneaux publicitaires, à la télé, etc. on parlera de ce sondage, on invitera des gens à s'exprimer et à commenter, savoir si ils pensent que, oui ou non, les musulmans sont réellement inadaptés et s'ils seraient, pourquoi pas, une menace. Je grossis à peine le trait. Un sondage amène un sujet dans le débat public, et il sert d'argument. Bien que, consciemment, "personne ne croit aux sondages", ils ont un impact fort sur la vie publique. Lorsqu'un sondage place Le Pen en tête d'une élection, lorsqu'un autre dit que "les français voient le FN comme une force montante" alors que, dans les faits, la progression en nombre de votes est plus faible que d'autres partis, ce n'est pas seulement "un sondage", c'est une affirmation qui sert de pilier dans le débat public.
Si je pense qu'il est nécessaire de savoir à qui appartient le journal qu'on lit (http://aquiappartientvotrejournal.mediapart.fr/index.html ), j'estime qu'il est aussi nécessaire, en tant que citoyen, de savoir à qui appartiennent les organismes qui donnent du grain à moudre au débat public. Et quelles sont leurs relations. Ce n'est pas quelque chose d'anecdotique, c'est une nécessité pour avoir un débat démocratique clair et avec le moins de biais possibles.
Je ne dis pas que Damien Philippot partage les idées de son frère. Je ne dis pas non plus que l'Ifop fait des prix au FN. Je n'ai pas d'information pour affirmer cela. En revanche, on peut clairement s'interroger sur le fait que l'organisme de sondage appartenant au frère du vice-président du FN soit aussi l'organisme de sondage qui publie le plus d'enquêtes sur les thématiques de ce parti. C'est troublant. Et en tant que citoyen d'une démocratie, je trouve qu'on devrait sérieusement se pencher sur la question. Car dans le débat public, il est important de savoir d'où parle celui qui rapporte une information.
Revenons-en maintenant au fait que je sois "gonflé". Dans le mail (sans ponctuation donc je vous évite le copier/coller), l'auteur se rapproche d'une conception sans mettre le doigt dessus. Il parle de "respect de la vie privée", etc. Alors je vais vous aider. Ce genre d'information pourrait contrevenir à l'article 8 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme. Et oui, rien de moins. Cet article dispose que : "toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance".
Est-ce que je contreviens, en parlant du lien de sang des frères Philippot, à une des normes les plus hautes de notre société ?
Non.
Cette information est publique, et on ne peut, évidemment, me reprocher de faire la publicité d'une information publique. Elle est disponible, en clair et sans trucages :
Comme je l'ai dit, c'est une information "pas trop ébruitée". Mais elle est publique. Je dis juste qu'elle devrait être plus connue du grand public, afin d'apporter un éclairage intéressant sur le débat public français. Et on ne peut reprocher à personne de faire usage d'information publique.
Je dirais même mieux : cette information DOIT être publique sous peine d'être révélée un jour comme "conflit d'intérêt caché". C'est une ligne de défense en or pour les Philippot : "cette information est publique, nous n'avons pas cherché à la cacher, mais nous n'avions aucune obligation de l'ébruiter".
Donc non, je ne me trouve pas "gonflé" de parler de ce genre de lien. Il s'agit d'une information publique dont la diffusion profite à la démocratie. C'est d'ailleurs une des exceptions à l'article 8 de la CEDH, dans son deuxième alinéa, même si celui-ci concerne "l'autorité publique".
Je pose donc la question, en tant que citoyen : l'Ifop n'a-t-il pas un conflit d'intérêt avec le FN ? Il me semble que lorsqu'on compare objectivement avec les autres institues de sondage et qu'on a conscience du lien qui unit son directeur des études politiques et le vice-président du FN, la réponse est clairement "oui". Et dans ce cas, il convient de prendre et manipuler les sondages de l'Ifop avec d'extrêmes précautions.