Je vois. En même temps, les combats des hommes et des femmes ayant fait l'Histoire, c'est de l'éducation populaire. Les "grandes dates", c'est l'éducation nationale, celle faite par les victorieux, les bourgeois. Il est évident qu'on ne va pas apprendre aux enfants les combats de Jaurès (on dit juste que c'était un "grand humaniste"), on ne va pas apprendre la lutte des classes (sinon, comment prétendre qu'elle est "fini", ou "qu'on n'y croit pas" ?), le fait que la Révolution Française est "juste" le remplacement de la noblesse par la bourgeoisie de l'époque qui s'était constituée à son détriment et a pris le pouvoir, qu'elle n'a pas été faite "pour le peuple" mais "pour les bourgeois" et que c'est pour ça que dans la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 on a la liberté de possession privée sans borne, ce qui permettra au capitalisme et au pendant économique du libéralisme de prendre définitivement possession de tous les moyens de production, etc.
Mais au delà des profs d'Histoire qui peuvent susciter un intérêt quand ils digressent et sortent du programme pour parler d'une autre Histoire, celle qu'on n'aborde pas, il y a aussi un moyen de s'intéresser à ce qu'il s'est passé. Et c'est un truc très très con hein.
J'ai vécu 19 ans à Villeneuve-Saint-Georges. Et à la gare, dans un coin, tu as (ou avais) une plaque "en mémoire de Marcel Marchand et Paul Louvet, ouvriers villeneuvois tués lors de la grève de Draveil-Villeneuve-Saint-Georges le 30 Juillet 1908" (ou quelque chose approchant).
Et à un moment tu tires un fil. Tu te renseignes sur ce qu'était cette grève, pourquoi et comment on peut tuer des ouvriers (pour t'apercevoir que c'est monnaie courante, encore aujourd'hui), que cette grève marque la fin du courant révolutionnaire de la CGT, qu'elle cristallise la relation entre Jaurès et Clemenceau, etc.
Et enfin, tu vois tou(te)s les politiques se succéder et détricoter tout ça, revenir en arrière, en prétendant que "c'était le bon temps, mais maintenant c'est fini" (oui, c'était le "bon temps" de mourir pour avoir un salaire qui te permet de vivre), le tout soutenu par des personnes sans culture politique ni historique qui prétendent qu'il faut "être rationnel", te sortir des "yakafokon" et des solutions soit-disant "faciles" et "évidentes", te soutenir qu'elles "ne font pas de politique", que "le politique c'est mal". À ce moment, tu sais que ce ne sont pas ce type de personnes qui ont pris les balles, qui ont fait face à l'armée pour avoir des droits qui paraissent aujourd'hui à certains être "du luxe", que ce ne sont pas ce type de personnes qui font évoluer les choses pour le bien commun, même s'ils te soutiennent le contraire. Et t'as juste envie de distribuer de grosses paires de claques et de les ensevelir sous des livres d'Histoire qui retracent l'Histoire du salariat, ses luttes, ses victoires, ses défaites. Et de leur signifier que ce sont EUX, les acteurs de la défaite, qui courbent l'échine devant un patronat qui n'a pas changé de politique depuis 2 siècles 1/2.
Et que cette politique nous tue.
Aujourd'hui se tiennent les états généraux du burn-out. Ce n'est pas un hasard si le nombre de burn-out augmente d'année en année, à mesure que les droits des salarié⋅e⋅s reculent. Il ne sera pas question de s'attaquer aux causes du burn-out cependant (le patronat demandant toujours plus aux salarié⋅e⋅s, pour moins de salaire, être traité⋅e⋅s comme des merdes jusqu'à craquer et être remplacé⋅e⋅s par de la chair fraîche). Non, il sera question de "rénover le système de reconnaissance des maladies professionnelles". On laisse toute latitude aux patrons de rompre les vies des gens, d'engranger les profits faits sur leurs dos (avec toujours moins de "charges" i.e. de cotisations sociales), et c'est à nous, la collectivité, de payer pour réparer les dégâts.
(OK, je digresse, mais bon, voilà)