Je ne suis pas né anarchiste

Rédigé par LLM le 30 septembre 2015

On me reproche régulièrement de ne pas bouger de ma position, de voir le monde "tout noir ou tout blanc", d'être têtu et, au final, de rester bien campé sur mes positions avec la ferme intention de ne pas vouloir en bouger, par entêtement, par aveuglement, par dogme, ou par tout autre procédé plus ou moins fantasques.

J'ai une confession à vous faire.

Je ne suis pas né anarchiste. Je ne suis pas né communiste. Je ne suis pas né féministe. Je ne suis pas né antifasciste. Je ne suis pas né tel que je suis aujourd'hui. Je n'ai pas chanté l'Internationale avant de pousser mon premier cri. Surprise !

Il y a tout de même une constante : je n'ai jamais supporté l'injustice. Mais l'injustice est une notion mouvante, qu'on perçoit différemment selon le regard qu'on a sur la société.

J'ai été misogyne. En mode parfois bien énervé.

Puis j'ai été "égalitariste", parce qu'après tout, oui, bon, tu as raison copain, c'est vrai qu'il y a une domination, niveau salaire et tout, mais les femmes et les hommes sont quand même différents hein.

Aujourd'hui je suis féministe, merci copines, copains, camarades, et le retour en arrière n'est pas possible.

J'ai été homophobe. Oh, pas trop. Mais tout de même, ils peuvent se galocher autre part que dans la rue. Même si, secrètement, les hommes m'attirent. C'est dégueulasse.

Et puis cette gay pride là, ça rime à quoi, franchement ?

Puis j'ai été pour les droits des LGB. Parce que, les trans, c'est quand même particulier, non ?

Je suis aujourd'hui pour l'égalité de droits sans condition ni discrimination, merci copains, copines, camarades. Y compris pour la GPA légalement encadrée et contrôlée.

J'ai été patriote. Pas très longtemps. Ah, la France, ça c'est un beau pays, qui mérite qu'on le défende, qu'on fasse des sacrifices, avec une tradition à conserver !

Je suis aujourd'hui pour l'abolition des frontières et la libre circulation des personnes, merci camarades, copines, copains.

J'ai été raciste. Trop longtemps. Après tout, les étrangers, pourquoi ne restent-ils pas chez eux ?

Après, moi, de toute façon, je ne vois pas la couleur de peau.

Aujourd'hui, je suis antiraciste en comprenant très bien les mécaniques d'oppression liées, merci copines, camarades, copains.

Et j'ai encore du chemin à faire avant de ne plus être complice, involontaire mais conscient, de ces oppressions dans mes actions et mes propos. Beaucoup de chemin. Il est même probable que je ne vivrai pas assez vieux. Mais à mesure qu'on s'ouvre et comprend le monde, on constate les injustices multiples dont on est complice. C'est dur, très dur, de se dire qu'on s'est trompé, de l'accepter, de le dire, et de changer de position.

Mais c'est vital.

Je suis né oppresseur, raciste, homophobe, sexiste, misogyne, validiste, transphobe, et tant d'autres choses. Je ne veux plus l'être, et j'espère ne plus l'être un jour.

Je suis peut-être un bouffon, un imposteur, un moralisateur, un mauvais professeur, à côté de la plaque ou tout ce que vous voulez. Mais je ne suis pas resté campé sur mes positions.

Mes positions d'aujourd'hui ne sont pas définitives. Mais il faut des arguments recevables. Ça demande un peu de travail, mais d'autres personnes y sont arrivées.

Et vous, vous êtes né quoi ? Vous êtes quoi aujourd'hui ?

Classé dans : Militantisme - Mots clés : aucun

7 commentaires

jeudi 01 octobre 2015 à 07:38 Deadend a dit : #1

Fait gaffe, tes détracteurs pourront t'opposer un jour que tu as été raciste, homophobe ou sexiste dans le passé, alors que eux ont toujours été de parfaits êtres humains tolérants pas binaires super-intelligents plein de bon sens smile Comme en témoigne d'ailleurs le récent zerobin pot de miel pour mouches à merde.

Les récents débats qui ont eu lieu récemment, et la sortie du placard de nombreux haters pro-timos, sont bien révélateurs de l'état du monde moderne, ce même dans une communauté (les shaarlistes) qui se veut un peu plus "éclairée" que la moyenne. On en vient à se demander si cela parviendra à évoluer un jour, si cela en vaut la peine. Et on les déteste pour cela, sans distinctions.

Je ne suis pas né misanthrope.

jeudi 01 octobre 2015 à 09:38 Bronco a dit : #2

Voilà un texte dont j'aime le ton autant que le fond, Kevin.
Justement parce que on y sent la personne que tu es, les doutes et les errements qui ont été les tiens et ta volonté d'être meilleur... ton humanité en somme.
Je remarque au passage que là, je ne ressens aucune culpabilisation à la lecture de ce billet: simplement de la complicité avec toi.

Merci.

jeudi 01 octobre 2015 à 10:05 Sélim a dit : #3

Un joli texte, c'est vraiment dommage que ce soit toujours toi qui doives te justifier, en vain qui plus est vu les réactions de merde à ton texte (Neuneuromancien, comme toujours).
Une chose est sure, ça fait plaisir de voir qu'il y a des gens comme toi qui, malgré ça, continuent et, surtout, ont suffisamment d'expérience pour démonter les sophismes et les arguments biaisés.

Très souvent, je ne sais pas quoi répondre aux gens qui les utilisent, tellement c'est difficile d'attaquer de tels idioties de front. C'est fou que, sachant que l'adaptabilité est la caractéristique fondamentale de l'être humain, si peu de gens arrivent à se remettre en question.

jeudi 01 octobre 2015 à 14:11 LLM a dit : #4

@Deadend : Que mes détracteurs utilisent ce texte contre moi, ça me facilitera la tâche puisqu'il s'agit d'un argument fallacieux, donc non-recevable et qui les désert bien plus qu'il ne les sert...

@Bronco : Mon but n'est pas de culpabiliser, c'est une très mauvaise manière de convaincre les gens et leur faire comprendre des choses. Mais je ne vais pas m'empêcher de constater tongue Que les personnes se sentent coupables par la suite, c'est vraiment dommage, mais ce n'est pas le but premier de ma démarche. Le contraste de ton ressenti par rapport à ce texte et la perception "d'autoflagellation" que d'autres peuvent en avoir est assez rigolo. Mais c'est bien toi qui est le plus proche de l'essence de ce billet.

@Sélim : Il est certaines choses qui ne changent pas. La réaction épidermique de certains détracteurs au moindre de mes propos en fait partie. Il faut savoir distinguer l'insulte de l'argumentaire construit qui ne fait pas plaisir. Certaines personnes en sont incapables ; je crois en avoir la capacité, sans vouloir me jeter de fleurs big_smile Se remettre en question est une pratique difficile, mais en effet nécessaire. Le plus dur, en définitive, c'est de commencer à le faire.

jeudi 01 octobre 2015 à 17:16 Chaopale Lamecarlate a dit : #5

Très beau texte, qui me fait beaucoup réfléchir, qui résonne par rapport à mon passé (j'ai même écrit une bafouille, maigre en comparaison). Mais comme d'autres l'ont dit, tu n'as pas à te justifier...

jeudi 01 octobre 2015 à 17:40 LLM a dit : #6

@Chaopale Lamecarlate : Merci. Ce texte n'est pas une justification, c'est une réfutation d'un argument que je vois beaucoup à mon encontre en ce moment, ainsi qu'un moyen de couper l'herbe sous le pied de détracteurs (actuels ou futurs) sur cet aspect. C'est aussi un témoignage, et l'affirmation que je n'oublie pas ce que j'ai été, et que c'est justement ça qui fait que je suis, encore aujourd'hui, ouvert au changement et à l'évolution, pour peu qu'on ait des arguments. C'est aussi pour ça que je suis aussi sûr de ce que je dis : je n'avance pas des estimations au doigt mouillé, de simples impressions, mais des arguments longtemps et mûrement réfléchis, analysés et décortiqués. C'est enfin un moyen de comprendre un peu qui je suis et d'où je parle, ce qui est toujours intéressant.

En revanche, je n'en tire aucune culpabilité, comme on voudrait le faire croire. Ce que je décris là n'a pas été un choix conscient, mais le fruit de ce que la société toute entière impose à chacun⋅e de nous, par tous les biais possibles. Je tire même une certaine fierté toute personnelle du chemin parcouru, ce qui est à l'exact opposé du résultat d'une autoflagellation ^^

Ton billet est très intéressant dans le sens où il montre bien qu'on est tou⋅te⋅s concerné⋅e⋅s par ce conditionnement, et que ce n'est pas parce qu'on est la cible d'une oppression qu'on en a forcément conscience et qu'on est donc capable de la combattre. Et que, par voie de conséquence, lorsqu'on n'est la cible d'aucune oppression, l'effort à fournir pour en avoir pleinement conscience (si cela est possible) est d'autant plus grand.

vendredi 02 octobre 2015 à 07:09 Sélim a dit : #7

Ce message effraie un peu : http://mypersonnaldata.eu/shaarli/?2YpJpw
Aurais-tu reçu des menaces ?

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