Je viens de tomber (oui, c'est "vieux", je sais) sur cette excellente vidéo d'Usul.
Et je vais en profiter pour me faire un peu de pub :p
J'avais déjà parlé de ce mot, "projet", ce mot qui remplace petit à petit tous les autres mots qui permettent de penser la société.
J'écrivais alors, en 2014 ( http://www.mypersonnaldata.eu/shaarli/?BuAgTw ), qu'il y a une seule catégorie de personne à qui on ne demande pas d'avoir et de justifier d'un quelconque projet : les riches, les détenteurs de moyens de production. J'avais essayé d'attirer l'attention sur ce qui semblait être de toute évidence le fer de lance d'un changement profond de nos méthodes de penser la société, car on le retrouvait partout, tout le temps, du management d'entreprise à la gestion sociale.
Ce n'est que très récemment, et c'est désormais extrêmement clair avec cette vidéo d'Usul, que j'ai compris à quel point ils avaient poussé le vice et à quel point j'avais au final sous-estimé l'impact que pouvait avoir ce mot. Alors que, déjà, je l'avais identifié comme un vrai poison à combattre.
À force de tout transformer en "projet", à force d'ancrer la notion de projet dans toutes les strates de la pensée de la société (jusqu'au bricolage, un loisir, où on voit partout parler de "projets de bricolage" !), en en faisant l'élément central de notre conception de notre vie, ils peuvent désormais nous manipuler extrêmement facilement.
Un arriviste, jamais élu, soutenu par les grands patrons, complice de lois liberticides et contre les travailleuses et travailleurs, se présente à la magistrature suprême avec rien d'autre que le mot clé, "projet", et tout semble s'ouvrir devant lui, car cela ouvre les portes de nos esprits formatés à accepter les projets sans broncher, ça nous rassure, ça nous conforte, on a l'impression de savoir ce qu'il en est parce que désormais, des projets, on en a 12 par jour, ça nous parle.
Même s'il ne gagne pas, cela démontre toute la nocivité et la puissance de ce simple mot, contre lequel il va falloir se battre. On ne veut pas de projets, qui seraient des éléments cloisonnés, indépendants, avec un début et une fin. On veut des processus, qui s'inscrivent dans la durée, qui sont interdépendants et globalement bénéfiques.
Edit : ce n'est pas pour rien, d'ailleurs, que l'établissement de ce mode de penser précède la nouvelle question et grande idée du patronat, qui semble séduisante à de nombreuses personnes, du retour au paiement à la tâche. Alors ce n'est jamais présenté comme le paiement à la tâche hein, c'est toujours présenté sous forme de "compétitivité", de "productivité", "d'efficacité" ou encore de "qualité". Mais ça reste du paiement à la tâche. Et ce retour en arrière choque moins parce qu'on s'est habitué à penser en "projet" et qu'il semble donc naturel de découper les choses en petits morceaux avec un début, une fin, un budget, et voilà.