Tour de passe-passe sanitaire

Rédigé par LLM le 19 juillet 2021

Bon, commençons par le commencement. À l'heure où j'écris ces lignes, nous sommes toujours en pleine pandémie mondiale de Covid-19, les seuls moyens à notre disposition pour lutter sont un ensemble de vaccins et, malgré des recherches toujours en cours dont certaines encourageantes, nous ne disposons d'aucun traitement efficace contre cette maladie. Ce billet concerne uniquement la situation en France.

Avertissement

Donc, si vous pensez que, au choix :

  • la pandémie est un coup monté ;
  • les vaccins contiennent autre chose qu'un vaccin ;
  • les gestes barrière sont un moyen de museler le peuple ;
  • le passe sanitaire en France est comparable à une dictature ;
  • la communauté scientifique ne peut être entendue car elle est manipulée ;
  • on ne peut plus rien dire ;
  • etc.

et que rien, aucune preuve, aucune démonstration, aucun argument ne pourra vous faire changer d'avis, alors vous pouvez aller vous faire foutre quitter cette page immédiatement, sans laisser de commentaires. D'ailleurs les commentaires de ce type seront immédiatement supprimés et vous pourrez toujours aller pleurer partout qu'il s'agit de censure, que vous vivez dans une dictature, etc. N'oubliez cependant pas qu'en disant cela, vous ne risquez ni emprisonnement, ni torture, ni d'être tué, et même que vous avez plusieurs personnes qui disent exactement la même chose que vous à la télé, à la radio et dans les journaux vendus dans tous les bureaux de tabac, contrairement aux personnes vivant réellement dans une dictature et ayant, de fait, infiniment plus de décence que vous.

Ce disclaimer étant fait, je vais donc m'exprimer sur un sujet bouillonnant parce que bon, ça me titille, et qu'en plus il n'y a pas assez de place sur les plateformes de réseaux sociaux pour le faire correctement. Il va sans dire que, s'agissant d'un blog, il ne s'agit pas d'un avis médical, même si je me repose sur la communauté scientifique pour comprendre les tenants et aboutissants de la situation, qui me servent personnellement mais aussi dans mes différents mandats. Vous pouvez bien évidemment le prendre comme "un avis parmi les autres", mais j'ai la prétention de croire qu'il est suffisamment bien éclairé pour être profitable à la communauté (ouais je me lance des fleurs, y a quoi ?).

À qui la faute ?

Déjà, je vais être clair dès le départ : le gouvernement français fait de la merde depuis le début de cette pandémie, et il est extrêmement difficile pour quelqu'un n'ayant pas le temps et/ou les compétences scientifiques nécessaires à l'analyse de la situation d'y comprendre quelque chose. Donc oui, le bilan du gouvernement français jusqu'ici est globalement catastrophique.

Il est donc nécessaire de prendre un peu de recul sur la situation et de l'aborder en fonction des connaissances actuelles sur le sujet. Nous savons, par exemple, que les deux moyens privilégiés de transmission du virus aujourd'hui sont tout d'abord l'aérosolisation (d'où la nécessité d'aérer régulièrement et la très faible contamination en extérieur) puis, dans une moindre mesure, les projections (d'où la nécessité de la distance physique et le port du masque y compris en extérieur lorsque la densité de population ne permet pas de bien respecter les distances). La transmission par contact est aujourd'hui anecdotique, en particulier en raison de la bonne application des mesures barrières en la matière (gels hydroalcooliques un peu partout, nettoyages réguliers, etc.).

Il faut aussi tenter de prendre la mesure de toutes les souffrances engendrées par les mesures d'urgence comme le confinement et la fermeture des lieux "sociaux" comme les bars, les discothèques ou même les festivals en plein air. Pour la majorité des personnes, cela va bientôt faire un an et demi qu'elles n'ont pas eu de vie sociale normale. Et ça n'est pas sans impact sur la qualité de vie. On commence à peine à mesurer les impacts psychologiques de ces mesures et j'ai le regret de vous dire que, comme pour l'ensemble du domaine médical, la France est sous-équipée pour y faire face. On m'a toujours dit de commencer avec les mauvaises nouvelles, bah ça en fait partie, voilà.

Rajoutez là dessus l'incompétence criminelle du gouvernement et la continuité de l'application d'une doctrine de droite (définition d'actes médicaux comme étant "de confort" pour ne pas les rembourser, incitation de prêts auprès des banques avec application d'intérêt pour les commerces en difficulté, absence de prise en charge des précaires et application de réformes de précarisation comme la réforme de l'assurance chômage, etc.) voire d'extrême-droite ("oubli" des personnes handicapées dans les différentes mesures, perpétuation des expulsions du territoire sans contrôles sanitaires, etc.) et vous obtenez un cocktail dégueulasse qui vous place un faux débat sur les libertés à côté des cadavres qui s'accumulent.

Oui parce que, bon, on a tendance à l'oublier, mais des personnes meurent de cette maladie tous les jours. Beaucoup de personnes. Beaucoup trop de personnes. Dont les paragons de la liberté individuelle ne se soucient qu'assez peu du droit de ces personnes à vivre. Et ça, ça change tout.

Les libertés individuelles, ça sort d'où, déjà ?

Parce qu'il ne faut pas oublier que les libertés individuelles existent parce que la collectivité a mis en œuvre les moyens de cette existence. Sans reconnaissance collective des libertés individuelles, ces dernières ne tiennent pas deux secondes. C'est parce que les libertés fondamentales individuelles (liberté de se déplacer, liberté de communication, protection de la vie privée, liberté d'association, etc.) sont considérées comme collectivement utiles et nécessaires que ces libertés existent. C'est un peu ce qu'on apprend au collège, "il n'existe pas de droits sans devoirs". Ici on pourrait dire que les droits individuels n'existent pas sans devoir de défendre la collectivité.

Or la collectivité est en danger, pas seulement du fait de l'augmentation des morts directs de la Covid, mais aussi de ses conséquences directes (séquelles en tête) et indirectes. La saturation des hôpitaux prive des personnes de leurs diagnostics et opérations nécessaires, parfois même vitales. Le nombre de malades impacte directement l'économie, même sans confinement. Le SARS-Cov-2 impose des contraintes fortes, que certaines personnes oublient, parfois involontairement, de prendre en compte. Il n'existe aucun moyen aujourd'hui de continuer d'avoir une vie "comme avant". Car vivre "comme avant", sans prendre en compte les impacts de la Covid, c'est le choix qu'ont fait certains pays, le choix initial de "l'immunité collective par contamination". On connaît les tristes résultats : un nombre de morts extrêmement élevé, des impacts économiques dramatiques, des familles entières parfois décimées.

Il est donc nécessaire de sauvegarder la collectivité et donc de faire un certain nombre de concessions et adaptations dans nos vies. Cela ne veut pas dire qu'elles doivent se faire sans contrôle citoyen, évidemment. De même, il n'est pas question d'accepter ces concessions à vie, elles ne sont concédées que le temps de la pandémie, le temps de trouver des solutions adéquates. Cela ne se fera d'ailleurs sans doute pas sans revoir la ventilation de tous les lieux de communauté, par exemple. Et ça va coûter cher. Mais uniquement en termes financiers, et non plus en termes de vies humaines, ce qui est un prix bien plus acceptable, surtout lorsqu'on sait que la nature même de la monnaie est magique. Perso, je sais pas vous, mais je préfère payer en magie qu'en vies humaines. L'ambiance "sacrifices humains", ça va bien en jeu de rôle, mais c'est tout de suite vachement moins plaisant quand c'est pour de vrai. Surtout que ce ne sont jamais les bourgeois qui sont sacrifiés en vrai, mais bref.

Face à tout ça, que faire ?

Bien, déjà, ne pas oublier que c'est le gouvernement qui a rendu cette situation si pourrie, à la fois en ne prenant pas les bonnes mesures mais aussi en ne combattant pas efficacement les avancées complotistes en tous genres (ce qui est bien pratique pour Macron qui veut un second tour comme il aime). Donc ça serait bien de n'avoir ni Macron ni Le Pen au second tour de la prochaine présidentielle, pour commencer. Je sais que Le Pen n'est pas au gouvernement, mais comme elle se la joue "défense des libertés individuelles" sans jamais rien dire du collectif, je vous laisse imaginer le massacre juste sur ce sujet là (et si vous pensez que c'est une bonne alternative à Macron, j'imagine que vous n'avez pas bien appliqué mes consignes du début).

Ensuite, comprendre un minimum les enjeux et les appliquer. En particulier, il faut combattre l'idée que le passe sanitaire c'est un passeport pour l'open bar à tout et aux libertés retrouvées. En agissant comme ça, et dans un contexte où la vaccination n'empêche pas la retransmission, on continuerait de perpétuer la pandémie, ce qui est une mauvaise nouvelle pour lesdites libertés. Il faut, au contraire, continuer de faire attention et modérer son exposition.

La limitation des chaînes de transmission est importante. C'est pourquoi il faut continuer d'éviter les lieux clos et mal aérés, en particulier si vous y êtes, vous et les autres, sans masques (bars, restaurants, etc.). Pensez à planifier vos sorties aussi, en particulier si vous devez fréquenter des personnes vulnérables (soit pas encore vaccinées, soit carrément pas vaccinables). Dans ce cas, vous devriez éviter l'exposition à un risque de contamination au moins 2 semaines avant, et à bien respecter les gestes barrières le jour où vous fréquentez cette personne (idéalement isolez vous au moins 2 jours avant et faites un test PCR, même vacciné⋅e). C'est là que la communication du gouvernement est un piège : le passe sanitaire ce n'est pas open bar. C'est un moyen de diminuer le risque lorsqu'on se trouve, justement, dans une situation à risque. Ce n'est pas pour ça que vous devriez multiplier ces situations. C'est un peu comme la PrEP : ce n'est pas parce que vous êtes sous PrEP que vous devez baiser avec tout le monde sans protection.

Nous ne devons pas non plus aveuglément céder sur les sujets de protection de la vie privée et du secret médical. Il faut que nous soyons vigilant⋅es sur l'utilisation des données qui est faite, et notamment l'interdiction de l'utilisation de ces données pour autre chose que d'en finir avec cette pandémie. C'est en particulier un des rôles de la CNIL. Et c'est pourquoi il est important de lutter pour le renforcement des moyens de cette commission.

Pour en finir avec ce virus comme avec cet article

Je pense que nous avons toutes et tous besoin de ces liens sociaux perdus. Malheureusement, l'heure n'est pas encore à leur rétablissement complet, du moins pas si on désire en finir avec cette pandémie le plus rapidement possible. Si le gouvernement est responsable de ses actes quasi-criminels, nous ne sommes pas moins responsables de nos actes individuels qui doivent concilier ce besoin social et la réduction des risques de contamination. En l'absence de volonté politique du gouvernement, c'est à nous de prendre le relai et de "placer le curseur", en toute connaissance de cause et en toute responsabilité.

À titre purement personnel, je sais par exemple que ma "sortie risquée", c'est la diffusion de Kaamelott Premier Volet au cinéma (lieux clos, aération incertaine, port du masque non vérifié pendant la séance), certes avec passe sanitaire, mais j'ai donc prévu de ne pas avoir d'autre "sortie risquée" le week-end suivant la projection (de toute façon faut que je termine Assassin's Creed : Valhalla).

Bref, le gouvernement fait de la merde, mais ce n'est pas une raison pour que tout le monde fasse pareil. Il paraît qu'être adulte, c'est être responsable. Dire "ouais mais le gouvernement il fait de la merde aussi" ça sonne quand même vachement plus comme une réponse d'élève de primaire. Et ça ne va pas aider à résoudre la situation.

Vaccinez-vous si vous en avez la possibilité, mais surtout évitez de transmettre ce virus, chose possible même après un vaccin. Et en la matière, les "petits gestes de chacun⋅e" sont bien plus efficaces que dans le domaine de l'écologie.

Pour conclure : prenez soin de vous et prenez soin des autres. Il paraît que c'est le premier signe de civilisation.

Pour vous aider à mieux comprendre la "situation réelle", il existe un collectif de médecins et scientifiques dont les spécialités sont liées à la Covid-19 qui publie régulièrement des articles vulgarisés et basés sur les connaissances scientifiques actuelles à destination du grand public : Du côté de la science.

Si vous en avez le besoin, en particulier en cas de stress ou détresse liée à la situation sanitaire, il existe plusieurs numéros verts, gratuits, que vous pouvez appeler :

  • "Croix-rouge écoute", tous les jours de 8h à 20h :  0 800 858 858
  • Numéro vert national, tous les jours, 24/24h : 0 800 130 000

 

Et tenez bon.

On va y arriver.

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