Ça peut prendre du temps... XD
Une version un peu plus complète :
Je ne conteste pas les statistiques, c'était juste un trait d'humour, concernant les résultats Google ^^
Tu prends l'exemple de la révolution française, mais c'est une référence incomplète. Pour bien comprendre ce qu'implique le numérique, il faut prendre "les révolutions" : la révolution anglaise et la révolution française.
La révolution anglaise, elle est industrielle, et elle bouleverse les méthodes de production. Au milieu du XVIIIe siècle, on passe d'une production purement humaine (c'est à dire que la force de travail dépendait du nombre d'humains au travail) à une production qui s'industrialise, bouleversant les rapports de production et donc les rapports sociaux de production.
C'est cette modification des rapports de production, du processus productif, qui entraîne une modification des rapports sociaux, dans un contexte particulier qui mènera à la révolution française. De plus, on parle d'une période de 10 ans, mais le peuple de l'époque, qui a permis la révolution, devient majoritairement réactionnaire à partir de 1793. Mais c'est un détail.
Ce qu'il faut retenir de ces révolutions dans le cas qui nous intéresse, c'est que ce sont les modifications des moyens et méthodes de production qui entraînent une modification des rapports sociaux. Pas l'inverse. C'est un élément clé dans la compréhension du processus révolutionnaire.
Ensuite, tu parles de démocratisation d'Internet. Je dois m'inscrire en faux par rapport à ce constat. Il ne faut pas confondre démocratisation et massification. Il y a un moyen simple de déterminer s'il s'agit d'une démocratisation ou d'une massification. La démocratisation, c'est lorsque, avec un prisme d'analyse particulier, on a autant de personnes au départ qu'à l'arrivée. La massification, c'est lorsqu'on a un nombre plus grand au départ qu'à l'arrivée.
La confusion est répandue et entretenue. Pourquoi n'est-on pas en présence d'une démocratisation d'Internet et, plus particulièrement, du numérique ?
Si chacun a aujourd'hui accès à Internet, peu comprennent ce qu'il en est et les enjeux politiques et sociaux associés. Ceux qui FONT Internet sont encore moins nombreux (alors même que la technique pure permet que tout le monde puisse le faire) et n'ont, globalement, aucun intérêt à éduquer les utilisateurs. Nous sommes donc en présence d'une massification d'Internet, et non d'une démocratisation.
Or la démocratisation est une condition nécessaire à la révolution politique. La massification, c'est la contre-révolution, car on perpétue une élite, qui a tous les éléments pour assoir son pouvoir sur le reste de la population. C'est en particulier vrai dans l'éducation (oui, si vous pensiez que l'école républicaine était un vecteur de démocratisation des savoirs, c'est fondamentalement faux), et ça l'est tout autant aujourd'hui en matière de numérique.
Non seulement la "démocratisation d'Internet" n'est pas terminée, mais elle n'a même pas commencé. Et tant qu'on continuera de concentrer les éléments entre les mains de gros concentrateurs de données (capitalistes, du coup), elle n'arrivera pas. Nous sommes donc en présence d'une contre-révolution en puissance, affirmant l'emprise d'une élite sur la population.
Soyons clairs. Internet est une révolution technique. Elle permet de dégager des profits énormes en interconnectant et réduisant les distances entre les différents moyens de production. Tout comme les révolutions industrielles, Internet et le numérique modifient considérablement le processus productif, en éliminant toujours plus d'humains de l'équation de production.
"Mais tu parles de la première révolution industrielle, mais pas la deuxième, elle n'a pas eu d'impact alors..." pourriez-vous dire. Je parle de la première révolution industrielle parce que l'exemple cité dans le shaarlien d'origine était la révolution française, et que ces deux révolutions sont liées. Mais la deuxième révolution industrielle (celle de l'électricité et du pétrole) n'est pas sans impact, bien évidemment, sur l'aspect social de la société. C'est de cette deuxième révolution industrielle que naîtra l'idée de communisme, par Marx et Engels, que naîtront les syndicats de travailleurs, de la conceptualisation du prolétariat. C'est un bouleversement social au moins aussi important que la révolution française.
Alors quel sera l'impact social et politique d'Internet ? Pour en avoir une idée précise, il faudrait déjà que l'impact d'Internet au niveau du processus productif soit assez clair, alors que ce n'est pas un élément terminé aujourd'hui. Cependant, comme lors des révolutions industrielles précédentes, les inégalités augmentent. Il y aura donc un impact social et politique d'Internet à une échelle encore inégalée. La question est : est-ce que ce sera une révolution ou une contre-révolution ? J'ai donné des éléments de réponse au dessus. Ça part mal. Ça n'est jamais parti aussi mal. Demain, Internet servira au contrôle des populations. C'est déjà le cas dans certains pays, c'est parti pour être le cas en France, et ça ne s'arrêtera pas facilement.
Mais ça peut s'arrêter. Rien n'est joué, car rien n'est jamais terminé jusqu'à ce que le peuple décide que c'est terminé. Il faut faire de la vraie démocratisation d'Internet, démystifier le numérique, intégrer les "déconnectés" à la société qu'on veut construire, faire de l'éducation populaire y compris sur ces sujets, sensibiliser, mobiliser, financer et renforcer nos fers de lance.
La question sociale qui nous est posée ne se résoudra pas d'un coup, elle ne se résoudra pas simplement (et tant pis pour les partisans du "revenu de base/solution miracle"), et on va tous en chier. Parce qu'en face, ils ne vont pas se laisser faire, ils ne se laissent jamais faire. Ça commencera à bouger, à être vraiment bénéfique pour nous, lorsqu'on leur aura repris le terme "révolution" au marketing pour le remettre dans nos bouches.
Parce que "révolution" dans leur bouche, c'est pour nous vendre leur rêve.
Dans nos bouches, la révolution, c'est pour réaliser les nôtres.