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C'est une mauvaise idée. Une TRÈS mauvaise idée.
Déjà, d'une, parce que ça conforte l'idée que certaines oppressions sont mieux tolérées que d'autres. Que ce soit le cas ou non, le problème n'est pas là, mais bien qu'il y ait oppression, point.
De plus, comme le dit Alda, ça présuppose que les juifs seraient une catégorie protégée, vieille rengaine antisémite démentie par tous les rapports, et en particulier celui de la CNCDH sur le racisme et l'antisémitisme en France (http://www.cncdh.fr/sites/default/files/rapport_racisme_2014.pdf on attend celui concernant 2015).
Enfin, on ne remplace pas une oppression par une autre, elles ne sont pas transposables. On peut, évidemment, faire certaines comparaisons, mais elles sont limitées, chaque oppression ayant des particularités propres, c'est ce qui fait d'ailleurs que les moyens de lutte d'une cause ne sont pas forcément bénéfiques à une autre cause, et que l'intersectionnalité (convergence des luttes) ne peut se faire qu'en prenant en considération les spécificités de chaque lutte.
Chaque oppression a son ancrage dans la culture collective : pour l'argent ou le pouvoir, on utilisera les juifs, pour l'insécurité et le travail, les arabes (ou plus généralement les étrangers), pour les relations interpersonnelles et sexuelles, les LGBT, etc. Aujourd'hui, les sujets c'est l'individualité, l'insécurité et le chômage, du coup on tape plus sur les LGBT et les étrangers. Quand la mode sera à la critique du pouvoir, on parlera des juifs. C'est pas pour rien que les vidéos complotistes dénonçant le pouvoir et se voulant "d'initiative citoyenne" épinglent les juifs hein.
Qu'il y ait une certaine (et toute relative) bienveillance de la part du gouvernement actuel ainsi qu'une meilleure acceptation dans la société (comparé aux musulmans par exemple) à l'égard des juifs est une chose. Mais c'est une chose d'une part très fragile, très ténue et d'autre part profondément insuffisante pour parler d'une "protection" ou d'une absence d'oppression. Les préjugés sont toujours là, et bien ancrés, et les actes antisémites, bien que légèrement moins nombreux que les actes racistes, sont tout de même beaucoup trop importants pour pouvoir affirmer qu'il s'agit d'une population protégée.
Que la lutte contre l'antisémitisme soit plus avancée (encore faut-il le prouver et le quantifier, mais supposons cette hypothèse comme vraie) que la lutte anti-raciste ne justifie pas qu'on puisse parler d'une population protégée.
Ce compte Twitter, en substance, que fait-il ? Il montre qu'il y a une indignation variable ? Non. Très concrètement, il divise, il montre du doigt une population opprimée, qui subit des violences, qui est victime de préjugés tout aussi dégueulasses et destructeurs que les victimes de l'homophobie ou de racisme. Sous une autre forme, mais ça reste une oppression, contre laquelle il faut lutter.
Est-ce que, sous prétexte qu'une femme a reçu 2 coups de moins de la part de son mari qu'une autre femme on va lui dire "bah, franchement, de quoi tu te plains, regarde elle, elle souffre plus que toi, tu devrais arrêter de chouiner, t'es plus protégée qu'elle" ? Non. Et bien là c'est exactement la même chose.
Les violences que subissent les LGBT sont évidemment horribles. Mais elles ne justifient pas, pour les combattre, qu'on opprime une autre population (qui peut elle-même être concernée par les violences faites aux personnes LGBT d'ailleurs hein, c'est pas cloisonné tout ça).
Alors je sais qu'il paraît qu'il ne faut pas voir de qui viennent les idées hein, qu'elles seraient magiquement indépendante de tout contexte. M'enfin cette idée de merde, c'est pas non plus un hasard qu'elle soit sortie d'où elle est sortie et si elle est à ce point à côté de la plaque.
Edit : quitte à remplacer un terme par un autre, pourquoi ne pas viser une catégorie réellement protégée, genre les dominants ?