Le cancre est là

Sarcasm is just one more service I offer.

Le travail

icon 14/04/2014

J'inaugure une nouvelle catégorie "À la poursuite de Keynes". Il ne s'agit pas là de faire une thèse sur le sujet, mais de survoler les notions essentielles, les concepts impliqués et comment ils s'articulent ensemble pour former le monde d'aujourd'hui.

Parce que, bon, j'avais envie de parler de la fumisterie keynésienne. Mais avant cela, il faut savoir ce qu'est le salaire.

Je me suis donc dit que j'allais parler du salaire. Mais on ne peut pas parler du salaire sans parler du travail salarié.

J'allais donc attaquer le travail salarié, mais on ne peut pas bien le faire sans parler du travail en général.

Alors, bordel, qu'est-ce que le travail ? Vaste question qui prend racine chez nos aïeux latins : le tripalium, instrument de torture à trois pieux. Le verbe travailler vient de "tripaliare" : torturer avec le tripalium. C'est bien joli, mais ça ne nous dit pas grand chose.

On pourrait dire que le travail comprend 2 des 6 facteurs de production du capitalisme : la force de travail et le capital humain (connaissances, formation, expérience, etc.) ; pour ensuite parler de capital physique, naturel, immatériel, etc. Mais ça serait chiant et on larguerait beaucoup de monde au passage, alors que, bon, déjà qu'il n'y en a pas beaucoup qui viennent se perdre ici, alors si c'est pour qu'ils se cassent en courant...

Alors, bon, SIMPLEMENT, qu'est-ce que le travail ? Mettons de côté la définition physique du terme pour nous pencher sur le travail humain, au sens socio-économique.

Étonnamment, comme le tripalium, on peut diviser la notion de travail en 3 grands pieux grandes catégories, relatives au contexte de l'usage de la force de travail d'un être humain :

- le travail forcé
- le travail subordonné
- le travail libre

Penchons nous donc sur ces 3 notions.

Le travail forcé


A priori, le travail forcé, c'est une notion simple, tout le monde voit ce que c'est. Il s'agit d'un travail qu'on est forcé d'effectuer, sans contre-partie. On pourrait penser que le travail forcé a disparu de nos contrées, pourtant il n'en est rien.

S'il est vrai que la corvée (au sens médiéval du terme) commence à disparaître dès la fin du XIe siècle avec l'utilisation étendue de la monnaie, elle ne disparaîtra totalement en France qu'en 1789, avec la fin du système féodal. On retrouve les stigmates de ce temps dans des expressions comme "corvéable à merci". Une corvée qui était mal ou pas exécutée se voyait punie, assez sévèrement.

L'esclavage, qui mettra bien plus de temps à disparaître, en est une autre forme. Il n'a d'ailleurs pas encore tout à fait disparu. L'esclavage se repose sur les esclaves, des êtres humains privés de toute liberté, considérés comme des biens matériels. La différence fondamentale avec une chaise, par exemple, c'est que l'esclave possède une force de travail, qu'il est tenu de mettre au service de son propriétaire. Il est d'usage d'apporter les moyens de survie à ses esclaves : nourriture et abris. Rarement plus. Parfois moins. Il n'était pas rare qu'un esclave qui n'était pas assez productif soit exécuté, ou laissé à l'abandon. De sorte que le seul choix possible était "le travail ou la mort".


Travaux forcés de prisonniers en Caroline du Sud - 1934


Un autre travail forcé se retrouve sous forme de sanction pénale : il s'agit bien sûr des travaux forcés, ou travaux d'intérêt général (TIG) en France. L'idée est ici de proposer à un condamné de payer la dette qu'il a envers la société par sa force de travail. On retrouve cette notion dans certaines BD, comme Lucky Luke où les Dalton cassent des cailloux, le boulet au pied. Aujourd'hui, les TIG prennent la forme de travaux de voirie, de travail associatif, etc. Si le TIG n'est pas accepté, c'est la prison ou l'amende (selon les cas). C'est en général la facette du travail forcé qui paraît la plus légitime, et la seule à avoir cours légal en Occident.

Ça, c'est pour la partie facile. Passons à un morceau un peu plus corsé...

Le travail subordonné


Si je vous dis "travail subordonné", vous pensez sans doute au salariat, à une hiérarchie, etc. Et bien non. C'est un tout petit peu plus complexe que ça. Commençons par faire peur avec une définition marxiste. Nous allons donc parler du travail subordonné à la valorisation d'un capital. Bouh !

Pour faire un peu plus simple, le travail subordonné est en fait subordonné à la production d'un bien ou d'un service grâce à des moyens de production qui appartiennent à une personne (morale ou physique) privée.

C'est pas plus simple ? Non ? Alors faisons TRÈS simple. Le travail subordonné, c'est produire un bien ou un service dont la méthode, la machine et/ou la finalité ne vous appartiennent pas, au profit d'une autre personne. Le plus souvent dans des conditions imposées qu'on ne vous propose pas de négocier. En clair, vous fournissez votre force de travail en échange de quelque chose. Ce quelque chose, c'est dans l'immense majorité des cas, un salaire, dont nous verrons la nature exacte dans un autre article.

Le travail subordonné est donc le travail qui augmente la valeur des possessions d'un autre. Une toute petite partie de cette valorisation revient à celui qui a fournit le travail. Le travail subordonné, c'est le travail que vous ne décidez pas. Vous ne décidez pas de comment vous l'accomplissez, pourquoi vous l'accomplissez et comment il sera utilisé. Le travailleur subordonné donne sa force de travail pour un usage dont il n'a pas la maîtrise. Il est, de fait, soumis à une triple subordination (qui a dit "tripalium" ?) :

- une subordination de hiérarchie (en immense majorité constituée d'autres travailleurs subordonnés) qui est destinée à s'assurer du plein contrôle de la force de travail ;
- une subordination de moyen, car l'employé, ne disposant pas de moyens de production propres, est soumis à la bonne utilisation de l'outil de travail qu'on lui fournit, selon des règles qu'on lui impose, sans négociation, et parfois au péril de sa propre vie ;
- une subordination de production de valeur ajoutée, qui est la finalité de son travail, c'est à dire que son travail sera valorisé par la suite, au dessus de ce qu'il touchera en échange, la différence allant dans les poches du possesseur des moyens de production.


Une usine


Le travail subordonné est très ancien mais ne prend vraiment pied en France qu'aux alentours de 1789, avec la fin du féodalisme et la montée de la bourgeoisie et du capitalisme industriel. Il ne prend la forme du salariat moderne qu'au début du XXe siècle avec la fin des contrats de louage et la création du contrat de travail. Le contrat de louage supposait une égalité entre le patron et l'employé alors que le contrat de travail reconnaît la position de domination du patron sur l'employé et pose ainsi la première pierre de la protection de ce dernier. Nous sommes bien dans la subordination, totale, le contrat de travail reconnaissant, de fait, l'aliénation de l'employé au patron.

Aujourd'hui, le travail subordonné, sous la forme du salariat, représente 91+% des actifs en France (source INSEE - 2012). Si ça marche si bien, c'est que c'est un des meilleurs moyens pour valoriser un capital, après le travail forcé.

Sur les deux types de travail que nous venons de voir, aucun ne nous appartient. Est-ce à dire que le travail ne nous appartient pas ? Cette question tombe (étrangement) à pic car nous allons désormais aborder la dernière catégorie de travail, certainement la plus plaisante.

Le travail libre


Le travail libre, ça sonne bien, mais qu'est-ce ? Demandez autour de vous ce qu'est le travail libre, et vous aurez une chance sur deux pour qu'on vous réponde "un travail librement consenti". Raté.

On pourrait résumer le travail libre comme étant du travail non forcé et non subordonné. Cette définition par exclusion, si elle a le mérite d'être rapide, empêche cependant de se pencher sur ce qu'est réellement le travail libre.


La Liberté guidant le peuple - Eugène Delacroix
La révolution, du travail libre ?



Le travail est libre si votre force de travail est utilisée de la manière dont vous le décidez, aux fins que vous voulez, pour une production qui vous appartient. Il est donc inacceptable, pour un grand capitaliste, que cette force de travail n'aille pas à la valorisation de son capital. Et pourtant, du travail libre, il y en a partout.

Les professions libérales, où la force de travail est mise au service de la personne qui fournit cette force et dont le produit lui revient, c'est du travail libre.

Mais le travail libre, ce n'est pas forcément un métier exercé en échange d'argent ou dans un but marchand.

Le jardinage dans votre jardin, par exemple, c'est du travail libre. Encore faut-il posséder une terre. Le bricolage, c'est du travail libre. Un potager, c'est du travail libre.

Mais allons encore plus loin.

La retraite, c'est du travail libre : vous êtes payés pour effectuer ce que vous désirez, comme vous le désirez, au moment où vous le désirez.

Les congés payés, ironiquement, ça peut aussi être du travail libre.

Ce site, c'est du travail libre.

Mais si je donne ici des exemples, ils ne sont pas exhaustifs, loin de là. D'ailleurs, un travail donné peut-il appartenir à plusieurs catégories ?

Une seule catégorie pour un travail ?


En effet, est-ce que le travail entre dans une catégorie selon ce qu'il produit ? Le fait de construire une voiture est-il nécessaire du travail subordonné ? L'Histoire n'est-elle pas pleine d'exemples de travaux forcés devenus subordonnés ? La récolte du coton, la construction de routes, etc.

Nous sommes donc en droit de nous demander si c'est la nature du travail en lui même qui fait qu'il serait forcé, subordonné ou libre.


Après le travail - Evariste Carpentier


Les coopératives ouvrières sont l'exemple type du travail libre : les outils de production, les décisions et la production appartiennent à ceux qui fournissent leur force de travail. Ainsi la construction de voitures n'est donc pas forcément un travail subordonné, ni la production d'acier, ou le développement logiciel, ou encore la recherche, ou bien l'entretien des voiries. Le fait de faire du travail subordonné le modèle dominant est un choix politique, proposé et appuyé par ceux qui détiennent déjà les moyens de production, à leur seul avantage.

La volonté de cacher et d'empêcher le travail libre tient au fait que si les employés commencent à effectuer leur métier sous forme de travail libre, les grands détenteurs de capitaux n'auront bientôt plus de force de travail pour valoriser leur capital. Lorsque cette force de travail exploitée représente plus de 90% de la force de travail disponible d'un pays, je vous laisse imaginer l'ampleur du désastre pour lesdits capitalistes.

Conclusion


Voilà comment on peut présenter et analyser le travail, selon ces 3 grandes catégories. Si le travail subordonné représente aujourd'hui l'essentiel du travail rémunéré et reconnu, l'omniprésence du travail libre dans la quasi-indifférence donne une indication sur la capacité des détenteurs des moyens de production à imposer leur vision des choses. Pourtant "tout travail mérite salaire". Quelle est donc la nature de ce salaire, propre non pas au travail, mais au seul travail subordonné ? Quelle est sa fonction ? D'où vient-il ? Que représente-t-il ? Est-ce à ce point une charge pour "l'entreprise" ?

La suite au prochain épisode...

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Crédit photo : Wikimedia
Librement et vaguement inspiré par la SCOP Le Pavé

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10 commentaires

Alvin Louprouge - 15/04/2014 à 09:00:24

Article intéressant. Je suis assez curieux de voir la suite et ou tu veux en venir...

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Mardi - 15/04/2014 à 19:51:24

Oui cet article me plaît. C'est un travail libre qui me profite à moi aussi.Ce qui est intéressant c'est de voir le travail d'une façon différente. Courage pour la suite de ton article, j'encourage ta liberté ! A bientôt.

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Alpozh - 16/04/2014 à 06:03:35

Très intéressante, mais un doute me taraude.
Si on prend le cas d'un indépendant qui fait du conseil (par exemple en information).
Il est indépendant (pas de "patron", il peut choisir ses clients, etc.), donc libre ?
Inversement, pendant un contrat, il est soumis à son client au moins sur deux des critères (les moyens lui sont imposés, le produit ne lui appartient pas) et partiellement sur le 3ème (subordination en théorie non héirarchique, mais proche de cela dans les faits).
C'est donc un travail subordonné, mais non salarié, juste contractuel.
Du coup, la limite me semble bien plus flou que ce que laisse penser cette présentation

@répondre #lien

Le cancre - 16/04/2014 à 08:24:04

@Alvin Louprouge et @Mardi : Merci ! :)

@Alpozh : Le travail libre n'empêche pas d'avoir des clients. Je décris là 3 grandes catégories, mais il y a ensuite des nuances, évidemment. Pourtant, le travailleur indépendant est bien libre (à quelques nuances près que je vais citer après). Il vend un service (le conseil), donc une fois vendu, il ne lui appartient pas, tout comme la SCOP de production de voiture ne possédera pas les voitures une fois vendues. Il peut (et doit, en fait) posséder les moyens de sa production. Dans le cadre du conseil, c'est en général un ordinateur, une imprimante, une connexion Internet et une voiture. S'il est soumis à une hiérarchie, c'est une hiérarchie fonctionnelle, celle-ci ne peut lui donner d'ordres directs, et il peut les refuser. C'est comme ça que ça devrait marcher.

Mais, concrètement, c'est pas souvent le cas. C'est souvent un cas qui se rapproche d'un abus communément utilisé par beaucoup d'entreprises. En effet, toujours à la recherche de la "flexibilité" et du "rendement maximum", nombre d'entreprises font appel à des indépendants qu'elles peuvent ainsi envoyer bouler quand elles le veulent au lieu d'embaucher un salarié. Il y a même des entreprises qui poussent leurs salariés à prendre le statut d'indépendant pour pouvoir les utiliser comme elles le souhaitent et sans contraintes. Du coup, bien que le travailleur sera théoriquement un travailleur libre, il sera, dans les faits, un travailleur subordonné, fortement soumis à une hiérarchie, utilisant les moyens de production du patron et sans contrôle sur son produit (cf. les clauses de propriété intellectuelle de bon nombre de contrats "d'indépendants"). C'est ce cas de figure, parmi d'autres, que comprend le travail subordonné. Je précise bien que le salariat est UNE forme de travail subordonné, la plus répandue, mais pas la seule. Nombre de travailleurs qui pourraient être libres sont, en définitive, des travailleurs subordonnés encore moins bien protégés qu'un salarié, car un indépendant est considéré comme étant au même niveau qu'un patron, il ne bénéficie donc pas de la protection qu'on donne à un salarié contre l'exploitation abusive.

Il y a effectivement du travail subordonné maquillé en travail libre. Il y a donc des travailleurs qui sont théoriquement libres et qui sont, dans les faits, subordonnés. Rarement l'inverse, notez. Il ne faut pas, en revanche, confondre vendre son produit/service et le fait que le produit/service que vous fabriquez/effectuez ne vous appartient aucunement. C'est une nuance essentielle dans la détermination de la frontière entre travail libre et travail subordonné.

@répondre #lien

qwerty - 12/09/2014 à 12:42:35

Admettons que, dans notre société actuelle, le travail libre représente 90% des travailleurs. Quels seront les conséquences ? L'économie s’effondre ? Cela serait l'anarchie ? (pas dans le sens péjoratif, mais politique du terme, de l'autogestion). Comment les personnes seront rémunérés ? Ce système s'applique à tout les métiers « utiles » de la société ? (de l'artisan au philosophe, c'est très vaste, par utile j'entends ce qui permet à une société de tourner).

@répondre #lien

prysme - 12/09/2014 à 14:11:24

Merci pour ce texte, mais doit on comprendre que le patron est un travailleur libre qui aurait bien reussi ? :)

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Le cancre - 24/09/2014 à 08:04:02

@qwerty : Que le travail soit libre ou subordonné ne va pas poser grand soucis à l'économie : on continuera de produire ce qu'il y a à produire, et les personnes seront rémunérées comme aujourd'hui ou par un autre modèle économique. Ce que je décris dans cet article n'est pas un modèle mais une description de ce qu'est le travail, comment on peut l'appréhender de manière à comprendre la société telle qu'elle est construite aujourd'hui. Cependant, on est passé d'un modèle qui reposait sur le travail forcé à un modèle qui repose sur le travail subordonné sans détruire l'Humanité. Il n'y a aucune raison de penser que le sort sera différent en continuant de tendre vers le travail libre.


@prysme : Le patron, aujourd'hui, est un capitaliste. Il donne un emploi aux autres. Il ne peut pas vraiment être considéré comme un travailleur libre étant donné qu'au final ce n'est pas SA production qui lui appartient, mais celle des autres. Le bon terme ne serait donc pas "travailleur" mais "exploiteur". Le terme "capitaliste" passe mieux cependant en général ^^

@répondre #lien

danirf - 05/11/2014 à 13:04:01

Bonjour.

Je suis un "travailleur subordonné", en suivant votre définition, et pourtant heureux et épanoui! Je ne comprend pas pourquoi cela serais forcement préjudiciable à l’épanouissement personnel de travailler dans une "grande entreprise".

Le problème de l'entreprise "subordonnée" est avant tout un problème culturel de management au sens large. A petite échelle, les cadres pensent que le management "par le stress" ou en imposant son autorité est la norme efficace. En haut de l’échelle des grands groupes, il y a peu de "vrais" entrepreneurs qui sont dans un microcosme plus financier, ou il est de bon ton de favoriser ses "amis" qui injectent de l'argent. Ensuite, l'important est d'avoir "la plus grosse" (fortune bien sûr) et de se plaindre du "petit personnel".
Les chefs de petites entreprises sont souvent comme les cadres, persuadés que d’imposer leur vue est la meilleure façon de faire, souvent au détriment de tous les acteurs de l'entreprise.
De l'autre coté, les salariés, bercés par une culture de lutte des classes, pensent que tout les "patrons" les exploitent et donc tendent à refuser l'effort, les responsabilité pour ne pas se faire encore plus exploiter! Même si cela leur permettrais de s’épanouir personnellement.

Il n'y as donc à mon sens aucune frontière entre le travail libre et le travail subordonné. La seule différence est culturelle, les préjugés véhiculés dans chaque bords des acteurs de l'entreprise privent tout le monde d'un avenir prospère et serein sans mettre de coté l'efficacité.

La solution est alors aussi culturelle. Les grands patrons/grand actionnaires devrais accepter de ne plus s’asseoir sur des milliards, des millions suffisent à bien vivre... Les petits patrons/cadres doivent accepter de ne plus manager de manière grégaire (c'est moi le chef) mais plus en accord avec les particularité des salariés (aspiration personnelle, personnalités...) y compris pour les prises de décisions (au moins consultatif).
Les salariés doivent sortir de la "lutte des classes" et ne pas voir les "chefs" comme des dominants sadiques, accepter que leur travail est aussi bénéfique à l'entreprise et éviter ainsi de se saborder.

Ma vision est caricaturale pour bien me faire comprendre. La réalité est bien sûr plus complexe. Il est nécessaire de nuancer, de relativiser tout cela afin d'avoir une pensée la plus neutre et objective, mais surtout détachée des cultures qui nous font souvent réfléchir de manière empirique, basé sur des préjugés, des croyances populaires.

Bref chaque acteur devrais bouger les lignes, accepter, nuancer, relativiser sa position pour rééquilibrer l'entreprise sur ses trois piliers: les entrepreneurs/actionnaires, les salariés et bien sûr les clients.

La culture capitaliste actuelle est déséquilibré, ce qui vous fais écrire cet article, mais la solution est tout comme la cause avant tout humaine. Pour combattre cette culture, il me semble inefficace de jeter le bébé avec l'eau du bain. Le problème n'est pas le capitalisme mais ce que la nature humaine en fais.

Les recherches en neurosciences vont dans ce sens. Par défaut, le cerveau humain fonctionne de manière automatique (habitudes,refus, empirisme,certitudes) et via un positionnement grégaire (dominant/dominé). Il est très efficace pour des actions connues et répétitive car très rapide.
Le néo cortex, lui pense différemment: Curiosité, acceptation, nuance, relativité, opinion personnelle. Il est très efficace pour gérer des situations complexes et/ou nouvelles. On peut l’appeler le mode mental adaptatif. Son seul problème est qu'il n'est pas activé par défaut et nécessite d’être éduqué, entraîné. Il est également "lent" (quelques secondes a quelques années!).

La seule façon de communiquer du "cerveau adaptatif" pour changer de mode mental (de l'automatique vers l'adaptatif) est le stress !!! Il se présente sous différentes formes: stress de fuite (anxiété, peur, panique), de lutte (colère, agressivité,mépris), et d'inhibition (découragement, abattement).

Donc, pour un travail plus libre, pour reprendre votre sémantique, il est nécessaire à tous les acteurs de l'entreprise de passer en mode mental adaptatif, pour prendre en compte la complexité et se détacher des pensées automatiques, sources de clivages. Cela diminue le stress et augmente la sérénité de tous les acteurs !!! Tout le monde pourrais être gagnant.

Nous sommes donc d'accord sur la conclusion mais peut-être pas sur le chemin pour y arriver.

Cordialement.

@répondre #lien

Le cancre - 14/11/2014 à 15:40:42

@danirf : Mais il existait des esclaves tout à fait heureux de leur condition. Je ne suis pas un fervent partisan de Rousseau, qui voulait libérer les esclaves contre leur propre volonté. Par contre, j'affirme que le travail subordonné est une aliénation (de fait) et qu'il est préjudiciable, globalement, à la société.

J'ai beaucoup de mal avec l'idée que "si on fait tous un peu d'effort et qu'on se tient la main, ça passe" : dans une relation STRUCTURELLEMENT de domination (ce qu'est le travail subordonné), la bonne volonté ne suffit pas. Loin s'en faut. Et globalement, cette idée qu'avec "un peu de bonne volonté, on y arrive", je n'adhère pas, principalement parce que ceux qui sont "en haut" de la pyramide peuvent s'asseoir sur la bonne volonté sans que personne ne leur dise rien. La bonne volonté n'est pas une structure, elle n'est pas un contre-pouvoir, c'est une parole donnée aussi vite oubliée. Et dans un monde où la concurrence est Loi, la parole donnée ne vaut rien, car en face celui qui gagne c'est celui qui écrase les autres.

De même, l'idée qu'il y aurait un moyen "objectif" d'analyser des éléments sociaux et politiques est une chimère. Toute analyse se fait au travers d'un prisme et, contrairement à ce que peut en penser Lenglet ("ce n'est pas de l'idéologie, juste de la pédagogie") tout est politique et tout naît d'une idéologie (consciemment ou non). L'analyse "objective" est impossible puisque l'économique, le politique et le social n'existent pas "objectivement".

Le capitalisme est bien le moteur de cette domination, car en concentrant, mécaniquement, les capitaux dans des mains de plus en plus réduites, il établit un rapport de domination du plus petit nombre sur le plus grand. Un système politique et économique basé sur l'égalité et la répartition STRUCTURELLE n'a pas ces travers. Il y a une différence fondamentale entre faire une structure qui concentre les richesses et une structure qui les répartie.

Quant aux neurosciences..... j'ai vu cet argumentaire du "pousser le salarié à accepter le changement, l'éduquer" à l'œuvre. Je n'ai pas pour ambition de broyer qui que ce soit ou de causer le suicide de quiconque, "désolé".

Pour que le travail soit libre, il faut supprimer la domination (c'est le principe de la liberté, en fait). Du coup, je ne suis pas sûr qu'on soit si d'accord sur la conclusion, mais on est en tout cas en désaccord sur le chemin, ça c'est sûr ^^

@répondre #lien

danirf - 17/11/2014 à 23:03:53

@le cancre

Tout d'abord, quand je prend pour référence les neurosciences, c'est pour aider à comprendre la façon de fonctionner du cerveau.

Sans vouloir troller, je citerais quand même l'IME et les travaux de mr Fradin, et l'ANC (Approche Neurocognitive et Comportementale) en général.

Un lien pour comprendre (un peu long): http://vimeo.com/6744209


Donc, les neurosciences n'ont jamais dit: "pousser le salarié à accepter le changement, l'éduquer" sous entendu "réfléchit pas et fais ce qu'on te dis". Dans ce contexte, passer en "mode mental adaptatif" pourrais vouloir dire "si c'est bon pour l'entreprise, cela peut être bon pour moi", mais aussi "cette décision est absurde, prise par des financiers loin de la réalité du terrain, prise à partir d'indicateur...". Dans ces deux exemples, on peut donc "accepter » d'accepter, ou "accepter" de refuser !

Mon utopie, c'est de vouloir que tout les acteurs d'une entreprise (et ailleurs aussi...) changent en même temps leur façon de réfléchir.

Vous parlez d'une relation dominant/dominé. Notre cerveau est programmé comme cela. Nous sommes par "défaut" programmé pour vivre dans une meute, c'est une partie de notre "mode mental automatique". La dominance donne un sentiment de confiance en soi. A un niveau "pathologique", décrit par l'ANC, cela donne par exemple un politique, un dictateur, un gourou... Au revers, un dominé a peu de confiance en lui, est très réceptif au dominants. Les pathologies des dominées sont entre autre la déprime voire en cas extrême le suicide.

Là encore, passer en « mode mental adaptatif », c'est utiliser une partie de notre cerveau qui n'est pas sensible au regard des autres, qui reste indépendante. C'est par exemple sortir de l'effet « suivre comme un mouton », assumer d'avoir une pensée différente de la majorité etc...

Les « grands » de ce monde on souvent un niveau de dominance élevé (pour ne pas dire pathologique), du moins il en ont les caractéristiques. Si ces derniers prennent conscience de cela, ils pourrons alors sortir du mode automatique grégaire . Il pourraient par exemple trouver idiot de chercher à avoir « la plus grosse », trouver idiot de penser qu'il existe des « sous-hommes » et trouver intelligent de partager le gâteau pour le bien de tous ! (on a le droit de rêver;).

Les pro du marketing, de la communication, les politiques…. savent très bien programmer notre « cerveau automatique ». Ils jouent avec des mythes voire les créent, le tout basé sur l'empirisme, la simplification, la généralisation et nous donnent alors un sentiment de réalité, des certitudes. C'est également l'effet « BFMTV » qui nous donne l'impression d'une grande insécurité etc...

Bref, connaître le fonctionnement du cerveau et donc les biais de manipulation ou de soumission sont la meilleure arme pour se défendre, comprendre. Il est dommage de tout rejeter en bloc.

Le mode mental adaptatif n'est pas un moyen d'être objectif. C'est une façon de penser indépendante, créative, souple, qui adore l'inconnu. Cela ne prétend pas détenir LA vérité absolue mais UNE vérité, un point de vue, qui prend en compte au mieux la complexité.

Vous parlez de « prisme », d'idéologie, je préfère parler de « culture ». Une culture est apprise dans un contexte (entreprise, région, religion, politique…) et comme tout apprentissage, elle peut évoluer. Pour évoluer, un bon outil est la pensée adaptative qui est capable de s'en affranchir.

Ne pas oublier que le mode mental automatique est notre conscience, on pense de cette manière par défaut. Par ailleurs, le cerveau « préfrontal », centre de la pensée adaptative, ne serais mature que vers 20-24 ans !

Je suis d'accord sur le fait qu'il faille supprimer la domination, mais la domination « animale », pathologique.

Les structures complexes n'ont pas besoin de dominants, elles ont besoin de personnes pour prendre des décisions. Ces personnes sont les décideurs et ne devrais rouler que pour le bien de l'entreprise et donc aussi de ses salariés. A condition bien sûr de partager équitablement.
Le monde de l'aviation à très bien compris cela (du moins dans les cockpits). Les deux pilotes d'un avion sont considérés comme ayant la même expertise. La différence entre le commandant de bord et le copilote est uniquement décisionnaire. C'est un pilier de la sécurité des vols.

Ma vision du « travailleur libre » est d'être heureux et épanoui dans son travail. C'est possible et la vidéo donne quelques pistes notamment en considérant nos tempéraments, nos personnalités. L'autre condition est également un management doté d'une intelligence « moderne ».
Le mode de pensée adaptatif à également cet immense avantage de réduire le stress, il en est la cause ! Le stress est la « douleur » du cerveau, il nous indique que quelques chose ne vas pas dans notre façon de faire, de penser. Le stress nous invite à nous adapter à la situation, puis, si on maîtrise la bascule des modes mentaux, nous fais tendre vers la sérénité.
On peut très bien vivre en restant en mode automatique, les heureux retraités en sont un bon exemple (ou les esclaves heureux). Mais un monde qui bouge nécessite parfois de l'adaptation (pas aveugle bien sûr).

Il peut paraître simpliste de remplacer : routine, refus,simplification, certitudes,empirisme, image sociale ; par : curiosité, acceptation, nuance, relativité, réflexion, opinion personnelle ; mais cela est très efficace (cf expérience dans l’école de pilotage de l'armée de l'air évoqué dans la vidéo).
Associé à une connaissance de notre positionnement grégaire (dominants/dominé) et de nos tempérament/personnalités, cela serais un grand pas pour l'humanité (oui, j'y vais un peu fort).
L'ANC obtient par ailleurs de très bon résultats sur les pathologies mentales, beaucoup plus rapidement que les thérapie médicamenteuse ou la psychanalyse. Y compris sur les grands dominants qui ne se considèrent pas malades, leur grande confiance en eux et notre culture les empêche de se voir comme tel.

Je persiste alors à penser que nous sommes d'accord sur le fond, le constat, mais pas sur le chemin pour arriver à un bien être commun.

Après je suis curieux de connaître votre point de vue sur la répartition structurelle de la vie politique et économique. Dans le prochain épisode j'imagine.

Cdlt.

@répondre #lien

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